Tout ce que l’Asie peut offrir en termes de chaleur humaine, de richesse culturelle, de ferveur religieuse, de vestiges historiques, de patrimoine colonial et de nature luxuriante se trouve au Sri Lanka. La facilité d’accès en prime.

Sigiriya, le rocher du lion (c)PhilBerki
1. L’héritage culturel

Longtemps la mythique Ceylan est restée à l’écart des sentiers battus par le tourisme de masse pour cause de guerre civile entre la guérilla tamoule et les forces gouvernementales. Un tsunami plus tard, qui a durement frappé en 2004 les côtes de cette île grande comme trois fois la Belgique et emporté 35.000 vies, les Tigres ont déposé les armes et une paix de moins en moins précaire a fini par s’installer progressivement au « Pays des milles joyaux », l’un des surnoms du Sri Lanka – traduction littérale : l’île resplendissante. Ainsi Ceylan fut-elle rebaptisée en 1972.

Les backpackers ne sont plus les seuls à sillonner ce petit condensé d’Asie en bus, en train et en tuk-tuk, de gros efforts ont été déployés ces dernières années pour attirer les visiteurs étrangers en termes d’infrastructures, de routes, d’hébergements... et de réhabilitation des sites historiques. Qui sont légion. On ne compte plus les vestiges des nombreux royaumes cinghalais indépendants qui se sont succédé ici pendant trois millénaires. Certains sites extraordinaires sont tombés dans l’oubli avant d’être remis à jour par les archéologues jusqu’à très récemment, parfois au milieu d’une jungle luxuriante. Les plus remarquables sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco et forment l’incontournable triangle culturel, au cœur du pays. C’est en commençant par là qu’on appréhende le mieux l’histoire du Sri Lanka.

Dernière ascension avant d'atteindre l'imprenable forteresse (c)PhilBerki

En s’éveillant dès l’aube pour voir le soleil parer d’or le célèbre rocher de Sigiriya avant d’en entreprendre l’ascension vertigineuse. On admire au passage les fresques admirablement préservées des concubines pulpeuses et dénudées du roi Kasyapa, ce monarque fou qui fit sculpter le roc en forme de lion et construire une forteresse imprenable en son sommet. Restent des ruines impressionnantes et d’immenses pattes de fauve pour en marquer l’entrée, 1500 ans plus tard. Et le souvenir des jardins aquatiques qu’il faut traverser avant d’entamer la grimpette. Crocodiles et varans s’y promènent librement.

Plonnaruwa, vieille de 1000 ans mais découverte au XVIIIe siècle. (c)PhilBerki

En prenant le temps d’arpenter, idéalement à vélo, les anciennes capitales de deux royaumes mythiques, Anuradhapura (née au IVe siècle avant JC) et Polonnaruwa (construite à partir du Xe siècle). On s’y perd entre des stupas géantes qui feraient de l’ombre aux pyramides d’Égypte, des statues de Bouddha de toutes les tailles et dans toutes les positions consacrées (assis, debout, couché), des bas-reliefs d’une finesse rarement atteinte et des vestiges de palais et autres citadelles, envahis par les singes et la végétation. Tout cela n’ayant été (re-)découvert qu’au siècle dernier...

Creusé sous une falaise de granit,
le fabuleux temple de Dambulla (c)PhilBerki

En s’enfonçant dans les grottes du temple troglodytique de Dambulla, enrichi pendant 2000 ans de centaines de peintures et statues de Bouddha, voire de dieux du panthéon hindou, par plusieurs monarques successifs. C’est l’un des lieux les plus sacrés du pays. Presqu’aussi vénéré que le Temple de la Dent qui attire les adeptes du monde entier au cœur de Kandy, la capitale du dernier royaume de l’intérieur tombé sous les canons britanniques il y a tout juste 200 ans.

2. Le brassage religieux

Toute proportion gardée, Kandy et son temple sont un peu La Mecque du Sri Lanka, du moins pour les Cinghalais qui sont bouddhistes à 90%. Ladite dent serait une molaire de Bouddha, l’une des plus saintes reliques de cette religion importée d’Inde trois siècles avant notre ère. On s’y mêle à la foule dévote pour assister à l’une des innombrables cérémonies qui s’y déroulent au quotidien, entre prières, offrandes, chants et processions, dans une atmosphère haute en couleurs et bon enfant. Plusieurs fois par an, les éléphants sont de sortie pour rehausser les grandes célébrations, parés de leurs plus beaux atours. Certains sont devenus célèbres et leur carcasse trône, empaillée, dans le petit musée intégré au complexe religieux. Tout Sri-Lankais qui se respecte s’y recueille au moins une fois dans sa vie. Sinon par an.

On se recueille au temple de la Dent, à Kandy (c)PhilBerki

Comme les églises en Europe, les temples bouddhiques sont innombrables dans le pays et beaucoup valent le détour, tant pour les symboles du culte que pour les croyants qui s’y pressent. Les bras chargés des fruits qu’ils partagent avec les prêtres et les visiteurs de passage, à l’ombre du ficus religiosa dont l’ancêtre fut témoin de l’illumination de Bouddha. Les liens entre bouddhisme et hindouisme – la religion des Tamouls, présents dans de nombreuses régions du pays – s’incarnent souvent dans le mélange en un même lieu de l’iconographie et de la statuaire propres aux deux fois. Ici, Bouddha côtoie souvent Brahma, Shiva ou Vishnu. Même si celles-ci ont aussi leurs propres temples un peu partout, reconnaissables à leur décoration aussi kitsch que tape à l’œil. Et qui méritent aussi souvent un petit tour.

A Trinco comme partout dans le pays, bouddhisme et hindouisme se mélangent joyeusement (c)PhilBerki

Comme s’est plu à nous le démontrer à plusieurs reprises notre guide Udeni, un puits de science doté d’une remarquable ouverture d’esprit, il n’est pas rare de trouver sur un même site non seulement un temple bouddhique et un sanctuaire hindou mais aussi une mosquée, l’islam étant pratiqué par plus de 2 millions de Sri Lankais. C’est par exemple le cas dans la ville trois fois sainte de Kataragama, haut lieu de pèlerinage commun à trois religions.

3. Le passé colonial

Posée sur la côte ouest au sud de Colombo, la petite ville de Galle – et surtout le fort qui abrite son charmant cœur historique – le prouve avec éclat : le christianisme européen n’a pas manqué de venir à son tour marquer « l’île resplendissante » de son empreinte. Les Portugais furent les premiers à importer le catholicisme dès le 16e siècle, suivis par les protestants hollandais puis les anglicans britanniques. Les deux premières vagues d’invasion se cantonnèrent aux côtes pour le commerce des épices et convertirent des villages de pêcheurs qui vénèrent toujours le Christ. La troisième a conquis tout le pays, balayé le dernier royaume (celui de Kandy) et imposé sa marque qui perdure encore aujourd’hui, 70 ans après l’indépendance.

Vestige emblématique d'un passé colonial pas si ancien, le Galle Face Hotel trône face à l'esplanade de Galle Face Green à Colombo (c)PhilBerki

Les vestiges coloniaux sont partout, dans l’architecture de villes comme la capitale Colombo (lire l’encadré), Galle ou Negombo (un peu plus au nord), dans le réseau de chemin de fer qui irrigue le pays et constitue un excellent et populaire moyen de transport, mais aussi dans la physionomie de l’immense région de moyenne montagne qui trône au centre de l’île. C’est là que les Anglais ont introduit la culture du thé et les Tamouls indiens pour le récolter. Là qu’un certain Thomas Lipton a bâti sa fortune et laissé son empreinte, là d’où le Sri Lanka tire toujours l’une de ses principales ressources d’exportation, avec la cannelle et quelques autres épices dont il a le secret. Le thé noir de Ceylan reste l’un des plus réputés au monde.

Traverser le triangle d'or en train, le bonheur des backpackers (c)PhilBerki

L’idéal est de prendre le train depuis Kandy pour traverser à flanc de montagne des paysages époustouflants, tapissés de plantations en escalier à la couleur émeraude caractéristique, où d’innombrables cueilleuses récoltent les jeunes pousses à longueur de journée. Terminus à Ella ou à Haputale d’où l’on peut facilement improviser une randonnée au cœur des cultures, à la rencontre de ces femmes au sourire aussi radieux que leur travail est harassant... et dangereux, les serpents rôdent entre leurs pieds nus. Certains points de vue offrent un panorama à 360° d’où l’on peut apercevoir par temps clair jusqu’à cinq des neuf provinces qui composent le pays – et en tout cas les eaux de l’Océan indien. On y grimpe à pied ou en hélant un tuk-tuk de passage, pour rejoindre notamment Lipton’s Seat, l’endroit où Sir Thomas aimait aller méditer au lever du soleil en contemplant le monde. C’est à dire son domaine.

Des plantations de thé à perte de vue et des cueilleuses harassées mais toujours souriantes (c)PhilBerki

4. La nature omniprésente

Beaucoup d’automobilistes hésitent à emprunter l’une des routes qui mènent de Ella à Kataragama. Un vieil éléphant mâle a pris la fâcheuse habitude de se placer en travers pour ne laisser passer que les véhicules dont les occupants le gavent de fruits par la fenêtre ouverte. Nous n’y croyions pas, notre guide avait pourtant fait le plein de melons, pastèques et cannes à sucre. Heureusement : le pachyderme était bien là. Il a eu son écot.

Les éléphants dorlotés par la Fondation Millenium à Kegalle (c)PhilBerki

On en croise beaucoup d’autres au bord des routes, bien plus paisibles et généralement occupés à se sustenter seuls. Six mille éléphants se promènent au Sri Lanka, en grande majorité sauvages – à peine 200 ont été domestiqués surtout pour les processions religieuses, très peu pour le tourisme. A Kegalle, la Fondation Millenium en récupère certains meurtris par leur exploitation pour les soigner et permettre aux visiteurs de les approcher. Pas pour les monter mais pour les accompagner en promenade dans les rizières ou au bain dans la rivière. Une façon nettement plus respectueuse de côtoyer ces mastodontes mythiques que ce qui se fait par exemple dans le sud-est asiatique.

26 parcs nationaux protègent une nature somptueuse et de nombreuses espèces sauvages (c)PhilBerki

Dans ce pays en grande partie couvert de jungle, vingt-six parcs nationaux protègent non seulement les éléphants de passage (ils circulent librement à travers l’île, quitte à détruire quelques cultures) mais aussi des centaines d’autres espèces parmi lesquelles des léopards (800 individus dans la seule réserve de Yalla, la plus grande), des ours asiatiques, des antilopes et des gazelles, des buffles, des reptiles en tous genres et des centaines d’espèces de rapaces et d’oiseaux souvent endémiques, comme le coq sauvage, mascotte du Sri Lanka. De quoi s’offrir des safaris dignes des plus beaux parcs africains – mention spéciale pour le petit sanctuaire de Bundala posé en bord de mer à l’extrême-sud de l’île, paradis des ornithologues. Et bien moins fréquenté que ses grands frères.

Mais l’expérience ultime, c’est au milieu de la nuit que nous l’avons éprouvée, sur une plage excentrée de la station balnéaire de Tangalle, un peu plus à l’ouest. Tandis que deux tortues géantes creusaient péniblement le sable pour y enfouir la centaine d’œufs qu’elles ont pondus sous la lune, d’autres ont éclos quelques mètres plus loin, sous le regard attentif des bénévoles d’une ONG locale vouée à leur protection. Plusieurs dizaines de bébés de quelques centimètres à peine ont entamé sous nos yeux leur périlleuse existence en rejoignant frénétiquement les flots déchaînés. Le Sri Lanka offre aussi ce genre d’émotions.

Philippe Berkenbaum

Colombo en tuk-tuk safari

La première impression, quand on débarque à Colombo, n’est franchement pas folichonne. La capitale du Sri Lanka est une immense mégapole grouillante d’activité qui n’a, à première vue, pas conservé grand-chose de son passé colonial. Il faut prendre le temps de s’y enfoncer pour en cueillir les perles. Nous avons suivi un guide de choix, entassés dans un véhicule de circonstance : Olivier, un Français marié à une Srilankaise, y organise des balades en tuk-tuk très loin des sentiers battus.

L'omniprésent tuk-tuk (c)PhilBerki

On commence par prendre de la hauteur sur le toit-terrasse d’un hôtel de luxe pour mieux appréhender la topographie de la ville, ses parcs et ses avenues chic avant de s’enfoncer dans son quartier le plus populaire : celui de Pettah avec son bazar, sa mosquée grandiloquente, sa multitude de temples bouddhistes et hindous dissimulés au plus profond des ruelles, ses grossistes en épices, en thé ou en tissus bariolés, ses gargotes où se réunissent les locaux, toujours heureux d’accueillir des étrangers.

Galle Face Green en famille (c)PhilBerki

On achève la visite sur l’immense esplanade côtière de Galle Face Green où les familles se réunissent au coucher du soleil pour grignoter des crabes grillés, jouer au ballon, barboter dans les vagues ou rivaliser d’adresse dans le pilotage de cerfs-volants bariolés. Quelques heures d’immersion culturelle totale au sein d’un peuple dont la gentillesse et l’hospitalité ne se démentiront pas tout au long du voyage.

Tuk-It Easy Colombo - +94 76 306 6554

Le chant des cachalots

Nettement moins fréquentée que la côte sud-ouest où se succèdent la plupart des stations balnéaires, la côte est offre aux environs de Trincomalee une particularité unique : les fonds marins y atteignent très vite des profondeurs abyssales. Offrant ainsi un terrain de jeu idéal à quelques-uns des plus impressionnants mammifères marins, comme les baleines bleues et les cachalots. Surtout, c’est l’un des rares endroits au monde – et le seul au Sri Lanka – où l’on peut ne pas se contenter de les observer de loin, entassés dans des bateaux surpeuplés : il est possible de se jeter littéralement à l’eau pour aller les côtoyer de près, nager avec eux au beau milieu du bleu. C’est ce que propose un autre Français, Jean-Luc Tulliez, au moment où les cétacés envahissent la région, courant avril. Une expérience exceptionnelle, à vivre d’autant plus rapidement qu’elle ne sera peut-être plus autorisée longtemps.

Prochain stage à la rencontre des cachalots en avril 2021 - + 33 (0) 615 141 449 / +63 (0) 906 049 8499

Le Sri Lanka en pratique

Y aller

L'agence locale et francophile Mai Globe Travel organise des séjours thématiques en groupe et individuels dans tout le Sri Lanka, basés sur une excellente connaissance du pays et des partenaires locaux de premier plan. En ces temps de pandémie qui ont lourdement pesé sur le tourisme, elle propose une Box de Noël aux saveurs srilankaises dont les bénéfices sont reversés à ses chauffeurs et à leurs familles. info@maiglobetravels.com

Formalités

Obligation de se procurer une autorisation d’entrée sur le territoire (ETA) pour les séjours touristiques. Si le séjour est inférieur à 30 jours, la demande peut être faite en ligne et en français sur www.eta.gov.lk.

Ambassade du Sri Lanka – 02 344 53 94

Santé

La malaria est officiellement éradiquée du Sri Lanka mais les moustiques transmettent encore la dengue, mieux vaut donc s’en protéger par les moyens classiques : spray ou roller anti-moustiques et vêtements couvrants.

Y loger

Au Galle Face Hotel de Colombo, pour le plaisir de loger dans un palace colonial de 1864 somptueusement rénové, idéalement situé en bord de mer et face au parc Galle Face Green. + 94 11 254 1010

Y manger

Au Ministry of Crab pour déguster des crustacés de toutes les tailles dans le cadre enchanteur de l’ancien hôpital hollandais rénové dans le quartier du Fort, le coeur historique de Colombo. - +94 11 234 2722